Te voici devant un distributeur de la gare, tu as faim mais tu sens encore son odeur en toi.
J'ai peur qu'elle s'en aille, que ce soit la dernière fois.
Maintenant tu es sur le quai.
Avec deux touristes d'Espagne brunes et rondes qui ondulent.
Un reflet d'eau dans le bitume.
Te voici tremble bouge.
Danse entre les sièges mais personne n'entend.
Je veux voir la mer.
Courir derrière le RER.
Et le rattraper, on coulerait tous, une main ou deux sortant par la vitre.
Te voici devant la porte du bus.
Bloquant tout comme le plus gros iceberg
Foutre, s'entre foutre
Ils crient au chauffeur de descendre mais il y a mille marches pour y être.
Maintenant tes doigts sont sur la rampe
Un reflet de fossile millénaire
Sur le sol
Voulant qu'il parte, chassant des bras
Tu as peur qu'il t'avale mais aussi peur de toi
Pourquoi le passé ?
Te voici manquant de tomber par terre dans le wagon, te rattrapant vainement à un homme ronchon.
Tu sens peser sur toi le regard d'une vie de pommes de terre et de cœur privé alors tu pries pour tout arrêter.
Te voici haletante, cherchant une issue
Tu l'as perdu de vue mais il n'aurait pas fallu le suivre.
Perdu, perdue, perdus, perdues.
Te voici plus loin dans le couloir
Te voici avec des talons dans le noir
Voici les autres qui se bousculent, verts
Comme des cristaux
Dans le sable
Du métro, des trésors.
Te voici assis en face de tes amis
Demain déjà partie
Au bon arrêt vous descendrez
Tu feras une chute bien mal placée
Dans la vitre du train embuée je crois voir ton visage, m'emplir d'effroi
Tes yeux rivés sur les miens, j'oublie que tu as déjà disparu
Mon âme contre la tienne
Échange peu équitable
Te voici debout
Tu découpes une forme dans ton ticket de transport
On dirait un arbre, ou un homme
C'est tordu et moche, peut-être un rat
Si seulement tu avais suivi des cours artistiques
Maintenant tu veux entrer dans le tram
Tu attends, un homme oscille.
Entre la voie et la vie il fait son choix
Personne ne le remarque à part toi
Tes mains agrippent
Se soutiennent
Souffle court
Il choisit la vie